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on c'est eux

posons que la loi du plus fort existe chez les idées comme chez les hommes.

mais que le privé, comme espace potentiellement sans mensonges, permette la survie de certaines, tant qu’elles débattent du public.

posons enfin que la littérature soit “le public dans le privé”, le privé de l’auteur et du lecteur fusionnés.

l’inverse en somme de la philosophie.


on verra alors que le style c’est ce qu’on dit quand on dit “on”.

ainsi ontologiquement dépouillé, ainsi frappé et laissé tremblant par l’aura de mort des mots.

deux exemples :

au sortir de la messe, on le voyait sur sa porte avec de belles pantoufles en tapisserie.

et emma cherchait à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d’ivresse, qui lui avaient parus si beaux dans les livres.

jusqu’au soir on mangea. quand on était trop fatigués d’être assis, on allait se promener dans les cours ou jouer une partie de bouchon dans la grange ; puis on revenait à table. quelques-uns, vers la fin, s’y endormirent et ronflèrent. mais, au café, tout se ranima ; alors on entama des chansons, on fit des tours de force, on portait des poids, on passait sous son pouce, on essayait à porter les charettes sur ses épaules, on disait des gaudrioles, on embrassait les dames.


“on”, tant que c’est encore “nous”, avant “ils”, avant trop tard.

avant qu’on leur voit le blanc de l’oeil, à portée de baïonette.

comment ne pas ressentir chez flaubert la jubilation névrotique à aligner ce bon con de charles, comme on éclate un moustique :

il rentrait tard, à dix heures, minuit quelquefois. alors il demandait à manger, et, comme la bonne était couchée, c’était emma qui le servait. il retirait sa redingote pour dîner plus à son aise. il disait les uns après les autres tous les gens qu’il avait rencontrés, les villages où il avait été, les ordonnances qu’il avait écrites, et satisfait de lui-même, il mangeait le reste du miroton, épluchait son fromage, croquait une pomme, vidait sa carafe, puis s’allait mettre au lit, se couchait sur le dos et ronflait.


vialatte enfin, parlant du sac à main :

il contient de tout, plus un bas de rechange, des ballerines pour conduire, un parapluie tom pouce, le noir, le rouge, le vert et la poudre compacte, une petite lampe pour fouiller dans le sac, des choses qui brillent parce qu’elles sont dorées, un capuchon en plastique transparent, et la lettre qu’on cherchait partout depuis trois semaines.

la lettre, le mot, la phrase, et l’asile entre les pages.