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prions. n°7

chance cinéma cocus

concept crime cru

coeurs cerveaux calamar

la chance est un concept millénaire. la chance est à l’histoire ce que le maquillage est au théâtre japonais. la chance n’est pas le fruit du hasard. c’est quelque chose de frisé, verdâtre et humide. la chance est un kiwi. elle est faite d’alliances et de compromis. elle est sollicitée en permanence. surtout au cinéma: on dit que la chance tourne. comme elle ne peut pas être partout, c’est la victime par excellence. on la retrouve chaque fois du côté des débutants, des perdants, des cocus. cela n’a rien d’étonnant, et on voit à longueur de journée, devant les établissements de pari, des individus la provoquer. c’est du harcèlement de rue. un jour, il va lui arriver un truc, tout le monde l’aura vu venir, et pourtant on dira « la faute à pas de chance ». ce n’est pas juste. pourtant, il est possible qu’elle ne porte même pas plainte, la chance. la chance pardonne, la chance oublie. son âme est pure. malgré son malheur, elle sourit aux audacieux, et sa dentition est impeccable. la victime est si belle.


la justice est un concept millénaire. c’est d’ailleurs étonnant, quand on sait que le crime ne paie pas. la justice est faite de crimes et de châtiments. si la justice est aveugle, c’est pour mieux faire la lumière sur les événements. il ne faut pas appeler le juge “votre honneur” ou “votre excellence”, et surtout pas “poupoune”, sauf dans un tribunal populaire. l’avocat vous le rappellera en vous parlant de ses honoraires. pour protéger les sources et éviter les fuites, on a fait insonoriser les portes : on parle alors de circonstances atténuantes. le tribunal est un endroit triste. on y juge des faits divers sans grande variété, parfois des crimes passionnels. il est construit tout en hauteur. le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier, c’est la justice à deux vitesses. l’avocat s’habille en noir et blanc pour illustrer que rien n’est tout noir ni tout blanc. si l’avocat est cru, le client sauve sa peau. alors le coupable est libre, ce qui est heureux, car le crime est si gai.


l’amour est un concept millénaire. oui ! je dis concept, et non idole. il est vrai qu’il ne parle qu’aux jeunes, certes, il est vrai aussi que certains peuples barbares le vénèrent chaque mi-février, oui, il est vrai enfin qu’il peut rendre aveugle et que ce pouvoir n’est pas octroyé au commun des mortels. pourquoi alors dire concept et non idole ? pour théophile (c’est un collègue qui passe son master en ce moment). il me dit : « la pieuvre commune (octopus vulgaris), qui a trois cœurs et neuf cerveaux, tombe-t-elle neuf fois plus amoureuse ou trois fois plus amoureuse ? ». trois, mais tes histoires de calamar n’intéressent personne. tu ne connais rien à l’amour. l’amour est fait d’orgueil et de préjugés. c’est un enfant de bohème et un cousin du vice, un mafieux que protègent chaque jour des hordes d’avocats corrompus : ne parle-t-on pas d’amour défendu ? ce scélérat n’aurait jamais connu de lois ? nul ne devrait ignorer la loi ! qu’on la lui fasse lire ! jamais personne ne l’a pu, hélas : jamais amour n’a lu. rendons-lui justice : l’amour est aveugle. c’est la faute à pas de chance.

prions.